Sonate empoisonnée

La mer lançait des lames… (écoutez bien ce que je joue).
Des lames de colère. Elles hurlaient en s'agrippant aux vents.
Le ciel se libérait d'une tension furieuse et longtemps contenue.
La noirceur de l'espace vomissait le futur.
Un corps gisait au sol, l'un et l'autre couvert d'algues et d'eau.
Pourtant, il perspirait de ce brûlant spectacle,
Un parfum de bonté et d'infinie sagesse.
Qui, alors, eût soupçonné que pût se hisser de cet heureux tumulte
Quelque germe pourri ? !
Dans un élan joyeux, des perles surgissaient du cosmos, vide encore.
Elles s'éparpillaient, pour enfin prendre place avec précision et habiter le néant.
La mer se déchirait en criant.
Enfantais des rocs monstrueux et des reliefs nourriciers.
Les eaux s'écartelaient pour que naissent, ordonnés, les intervalles verts
D'où jailliraient aussitôt des pleurs… et la plainte d'Eole.
Tout semble orchestré de façon décisive, et qui aurait pu croire un seul instant
Que ce corps sur la plage, dépourvu de malice, jouerait un jour prochain
A fausser l'allégro de cette symphonie ?!
Ô mer ! A l'instar de ma mère, que te manquait-il donc pour faire front au désir,
Plutôt que de donner à la vie ce chien d'homme qui t'aime si mal
Et te mène immanquablement au vieillir !


Jean Victor ESTIENNE